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L’Afrique est une mosaïque de pays confrontée depuis des siècles à divers traumatismes (esclavage, colonisation, indépendances truquées pour certains) et apparemment vouée à toutes les calamités (naturelles, économiques, politiques etc.) Mais l’Afrique reste debout comme « un cœur de réserve » là où d’autres peuples ont disparu en même temps que le tarissement de leur sueur. Je pense notamment aux amérindiens. C’est qu’elle a en elle – même des ressources inépuisables encore insuffisamment exploitées. L’Afrique – appauvrie et non pas pauvre - est riche de la qualité de ses enfants, de ses ressources minières, agricoles etc. et sa population dans sa diversité ethnique, culturelle et religieuse et en dépit de tensions irrédentistes somme toutes marginales, est entrain de s’édifier comme Peuple et de se construire comme Nation. Et un jour, comme l’écrivait Lumumba, elle se réconciliera avec sa propre histoire, ses propres résistances et « elle sera du nord au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité ». Cela relève désormais de l’urgence et l’urgence et un concept du temps, surtout à un moment où des signes avant-coureurs d’une remise en cause de ses équilibres fondateurs – du fait d’un contexte mondialisé- se font jour de ci de là, il faut, plus que jamais, rester « vigiles et alertes ». Elle peut représenter l’espérance du monde, son nouveau souffle si les Africains le veulent bien, renoncent aux discussions byzantines, aux querelles stériles et refusent la Fatalité sous ses diverses formes et les oripeaux et euphémismes dont la recouvre les afro pessimistes, « en se ceignant les reins comme un vaillant homme ».

« L’Afrique n’est pas démunie ; elle est désunie » ; l’Afrique n’est pas pauvre ; elle est appauvrie. C’est pourquoi le débat sur son unité, en plus de son impérieuse nécessité, n’est pas vain et doit mobiliser toutes nos énergies, ressources, imagination et une réflexion critique, prospective, rigoureuse, décomplexée et innovante dans l’esprit du texte fondateur de ce mouvement d’idées qui a pour nom Panafricanisme. Un panafricanisme revitalisé, revisité à l’aulne de l’actuelle configuration du monde. La pensée doit précéder l’action. Une action doit nécessairement être éclairée. Pour en prévenir les errements et, au besoin, en rectifier les dérives. Une pensée qui tourne sur elle-même est vide ; une action non éclairée est aveugle.

Si tout le monde est d’accord avec l’unité les voies pour y accéder divergent et deux points de vue s’affrontent : a) les tenants d’une unité par étapes, par intégrations progressives ; reprenant par là même la thèse senghorienne des cercles concentriques) les tenants de l’unité immédiate par la création d’un état fédéral.

Les arguments des tenants de la première thèse ne sont pas ridicules qui excipent souvent d’ailleurs de l’expérience européenne. Seulement depuis 1963, date de la création de l’OUA les cercles concentriques sont dangereusement immobiles et le bilan est bien maigre.

Nous avons trop attendu, tergiversé. Il faut maintenant accoucher l’état fédéral – promis depuis 1963 sur une proposition de Nkrumah – aux forceps de l’orage. Certes, ce ne sera pas facile, mais une fois la barrière placentaire rompue, les vagissements passés, le nouveau-né, lavé et parfumé, sera beau et grandira dru. Si nous laissons de côté les palinodies et arguties dont on a vu qu’elles n’ont encore rien produit de significatif. Quant aux références sur le processus de la construction européenne, elles ne me paraissent pas pertinentes. L’Afrique n’est pas l’Europe ; elle peut parvenir à sa construction par des voies originales et ensuite nous ne voulons pas faire de l’Afrique une nouvelle Europe. Référence pour référence, je préférerais qu’on interrogeât notre propre histoire. Ainsi, il faut rompre avec les mimétismes, se déprendre de l’influence des vestiges de l’anthropologie coloniale qui nous dit qu’il n’ y a de vérité qu’occidentale et revisiter, dans un mouvement de réappropriation de notre histoire, qui passe comme dit Ngugi par une décolonisation des nos esprits extravertis marqué par une défaite vociférante de la pensée et l’incapacité, du fait de nos élites, de produire une pensée neuve et de reprendre le droit à l’initiative selon la belle formule de Césaire. Dans ce recours aux sources et dans le cadre du débat sur l’unité de l’Afrique la réflexion sur la charte du mandé peut nous être d’un compagnonnage utile.

La charte de Kurugan Fuga : une nouvelle Magna Carta pour l’Union Africaine

La Magna Carta ou Grande Charte, fut  octroyée le 15 juin 1215, à Runnyme près de Windsor, de par le roi Jean d’Angleterre, dit Jean sans Terre, aux barons anglais qui, dans leur révolte, vont prendre Londres le 17 mai 1215.

Symbole la lutte contre le pouvoir absolu, la Grande Charte est le premier texte constitutionnel anglais.

Elle codifie  en détail les relations entre le roi et les barons ; instaure un contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du royaume tout en garantissant les libertés de l’église et des villes contre les abus du pouvoir royal. Son annulation par le même Jean sans Terre en 1216 va déclencher une guerre civile de 4 ans obligeant Henri III, successeur de Jean d’Angleterre, à la confirmer définitivement en 1265.

La Magna Carta est à l’origine de l’habeas corpus ad subjiciendum, «que tu aies ton corps pour le présenter [devant le juge] »), voté 12 ans plus tard en 1679.

L’Habeas Corpus est, comme on le sait, le fondement historique des libertés civiles anglaises. Son article fondamental (l’article 39) dispose que: «aucun homme libre ne sera pris et emprisonné, ni dépossédé ni exilé ni ruiné de quelque manière que ce soit, ni mis à mort ou exécuté, sauf à la suite d’un jugement loyal de ses pairs et par les lois du pays ».

Ce n’est qu’en 1297 que la Magna Carta aura sa version définitive et sera solennellement  adoptée par le Parlement. Si au départ la Grande Charte ne lie que le roi et les barons, sous l’influence de sir Edward Coke, le Parlement présente à Charles Ier une requête, appelée Pétition des droits, revendiquant  pour tous les hommes libres les garanties octroyées par la Charte.

La grande Charte et son prolongement l’habeas corpus constituent aujourd’hui le socle irréductible de la démocratie anglo-saxonne. Elle a fait suite à des guerres (dont celle de Bouvines) et à de longues luttes de la baronnie anglaise excédée par l’absolutisme royal de droit divin. Elle a permis à l’Angleterre de faire l’économie d’une révolution violente aux résultats contrastés comme en connaîtra la France un siècle plus tard.

Au moment même où l’Angleterre se donnait la Magna Carta comme facteur de paix et de cohésion sociale, par un de ses clins d’œil dont l’Histoire a le secret, et de manière tout à fait indépendante, le fils du Lion et du Buffle, proposait, dans le même esprit, un pacte semblable : la Charte du Mandé.

La tradition orale explique ainsi la naissance de l’empire du Mali : Soumangourou, le roi du Sosso, parvint à s'emparer du petit royaume du Mali. Pour assurer son pouvoir, il fit mettre à mort tous les princes héritiers, sauf un, Soundiata Keita, enfant paralytique qu'il estimait inoffensif. À peine sorti de l'adolescence, celui-ci réussit pourtant à s'imposer et à rassembler les chefs des différents clans mandingues (Condé, Camara, Konaté, Traoré, Keita) qui l'aidèrent à battre le Sosso et les royaumes voisins. Converti à l'islam, Soundiata engagea la lutte contre les animistes et prit le titre de mansa (roi) du Mali.

Mais ce qui est important, au-delà de la geste de cet empereur (souvent comparé à Alexandre le Grand, à cause de leur similitude – conquête Est-Ouest pour l’un et Ouest-Est pour l’autre), c’est que Soundiata Keita, après l’éclatante victoire de Irina en 1235, a eu une préoccupation constante : comment gagner une paix durable dans un empire unifié et prospère. Gagner la guerre n’a de sens a ses yeux qui si on gagne la plus noble et la plus décisive des batailles : celle pour la paix.

« La paix règne aujourd’hui dans tout le pays, qu’il en soit toujours ainsi… (…) Je vous parle, peuples réunis. À ceux du Manding, je transmets le salut du Maghan Soundjata ; salut à ceux du Do, salut à ceux à ceux de Tabon, salut à ceux de Wagadou, salut à ceux de Méma, salut à ceux de la tribu de Fakoli, salut aux guerriers Bobos et en à ceux- de Sibi et de Kà-ba. À tous les peuples réunis, Soundjata dit « Salut ». Ainsi parla Balla Fasséké, griot de prestigieuse mémoire, à Fouga, clairière au nord de la ville de Kà-ba, où Soundiata Keita scella le pacte qui donna à l’empire du Mali une charte pour une « paix perpétuelle1 ». Pacte qui lie 13 peuples (4 siècles avant l’indépendance américaine) et dont les effets continuent de structurer culturellement l’actuel espace de l’empire du Mali, sept siècles après !

À Kà-ba, l’Empereur s’adressa ainsi aux peuples assemblés de son nouvel empire : « Je scelle aujourd’hui à jamais l’alliance des Kamara de Sibi et des Keita du Manding. Que ces deux peuples soient désormais des frères. La terre des Keita sera désormais la terre des Kamara, le bien des Kamara sera désormais le bien des Keita. Que jamais le mensonge n’existe plus entre un Kamara et un Keita. Dans toute l’étendue de mon empire que partout les Kamara soient comme chez eux. » Continuant sur sa lancée, l’empereur proclama que désormais les Kondé du pays de Do seront les oncles des Keita de la famille impériale ; les Tounkara et les Cissé seront les cousins à plaisanterie des Keita ; les Cissé, les Bérété, les Touré seront élevés à la dignité de guides spirituels de l’empire.

Soundiata Keita définit ensuite les droits de chaque peuple, ses obligations ; scella l’amitié entre les 13 peuples ; consacra la liberté de culte.

Si nous avons rappelé l’origine et les principales dispositions de la charte du Mandé, c’est qu’au-delà des raisons évidentes de Savoir et de Mémoire, il est d’un grand intérêt politique pour notre Continent. En effet, nous avons toujours tenu que nous interrogeons insuffisamment notre histoire –du fait de nos structures mentales fondamentalement extraverties –, dans le cadre du raffermissement et de la construction interne de nos démocraties formelles, ludiques et fragiles – notamment la dévolution du pouvoir, l’organisation de la cité et les relations intra-africaines -, dans la résolution de nos problèmes, conflits et stratégies de développement etc.

S’il existe, au sein de ceux qui nous gouvernent, une réelle vision prospective, une démarche généreuse, une volonté optimiste et un sens aigu des responsabilités historiques, la Charte du Kurukugan Fuga pourrait être ruminée, revisitée victorieusement, sans préjudice de l’apport extérieur, pour le plus grand bénéfice de nos sociétés offusquées et traumatisées par un long séjour sous « des jours étrangers » et des « ères proconsulaires ».

Le Sénégal, la Guinée ou le Mali  ont la légitimité politique et historique pour proposer au Conseil du Futur de l’Union Africaine, et de conserve avec les États actuels de l’ancien empire du Mali, de méditer la Charte du Kurukugan Fuga pour l’élaboration d’un nouveau pacte de solidarité et de fraternité de nos peuples réconciliés, comme un des fondements possibles de l’Union Africaine.

Ces pays auraient mérité de l’Afrique, de l’Histoire et, sans abusive hyperbole, de l’Humanité en construction, s’il venait à faire de ce projet un axe majeur de sa diplomatie africaine.

Certes, il faut faire le bilan victorieux de toutes ces expériences ; en tirer tous les enseignements. Ce que nous prédécesseurs ont fait nous devons et pouvons le faire. Il faut créer l’état fédéral même à 15 ou 20 pays de préférence dans la même zone géographique, si d’autres Etats sont réticents, selon un double axe : a) vertical pour une volonté et une résolution politiques sans vacillement b) horizontal par la conscientisation de nos peuples pour qu’ils adhèrent sans réserve à cette unité car ont eux seuls peuvent la pérenniser. Et puis (petit clin d’œil) l’Europe  a commencé à six et le Benelux fait partie de l’Union européenne. La question de l’Etat fédéral, dont  le principe est acquis  à Accra, quitte maintenant à l’organiser minutieusement, n’est pas une question rhétorique, mais une nécessité. Nous n’avons rien à perdre en le faisant ; nous prolongerons l’apnée de l’Afrique en ne le faisant pas. L’essentiel est le droit à l’initiative et nous ouvrirons une page nouvelle de notre histoire. Comme le dit Chinua Achebe : « tant que les lions n’auront pas leur propre historien, les récits de chasse continueront de chanter la gloire des chasseurs ».

Les choses en changé : le monde est devenu unipolaire ; nous sommes dans un contexte mondialisé qui fait courir des risques aux identités faibles et aux citoyennetés rétives, qui voit ressurgir paradoxalement les nationalismes, les irrédentismes et ce que A Maalouf a appelé les identités meurtrières. Il faut en prendre toute la mesure. Méditons le propos que voilà de Mme Catherine Lalumière : « Nous vivons une période de mondialisation, qui tend à uniformiser les idées et les modes de vie, cette uniformisation se faisant surtout sous l'influence du modèle américain. Tous ceux qui sont attachés à leur histoire, à leurs traditions, à leur langue, à leur philosophie ou à leur religion éprouvent angoisse et colère devant la menace qui pèse sur ce à quoi ils sont attachés au plus profond d'eux-mêmes.

Il y a dans cette crainte une force terrible, que les responsables politiques doivent prendre en compte, car elle peut susciter des manifestations de révolte violente. La mondialisation est aujourd'hui accusée de tout ce qui inquiète et menace la vie des gens. C'est sans doute irrationnel et excessif. Par contre, il est vrai que les humains ne peuvent accepter sans réaction la destruction de leur culture, car ceci constituerait non seulement un appauvrissement, mais la perte de leur identité et finalement de leur raison d'être. Nous ne sommes qu'au début de ce phénomène, dont la plupart des peuples de la planète n'ont pas encore pris conscience. Mais l'on observe que sont de plus en plus nombreux ceux qui constatent que leur culture est fragile, que leur langue est de moins en moins parlée, que leur histoire s'oublie, que leurs créateurs se découragent... Cette prise de conscience commence à pénétrer non seulement les pays riches, mais aussi les pays émergents et les pays en voie de développement. On parle d'ailleurs de plus en plus souvent non pas d'exception culturelle (l'expression est trop négative et restrictive), mais de diversité culturelle, l'objectif étant d'éviter l'uniformisation du monde en préservant la diversité des cultures comme on le fait en défendant la biodiversité pour conserver la diversité des espèces. La diversité culturelle est donc d'abord un enjeu politique fondamental pour l'avenir des sociétés d'un bout à l'autre de la planète ».

Je pense néanmoins  qu’une opportunité sans précédent s’ouvre au monde et à nous singulièrement : la reconstruction de l’unité humaine à travers sa diversité culturelle. Nous sommes à un moment où l’Universel a des chances fécondes de se déployer. Cet universel, prémices d’un nouvel humanisme, est bien différent de la mondialisation des banquiers ; mais le formidable développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, bien maîtrisées, peuvent la servir utilement dans la  symbiose des peuples dans l’accord des esprits et des cœurs, comme le dirait Senghor. Raisons supplémentaires de croire et d’espérer en la viabilité du Futur Etat Fédéral Africain. Un dernier mot. A Accra, avant de tomber d’accord sur le principe du Gouvernement de l’Union, se sont affrontés les gradualistes et les Fédéralistes. Or la Charte de Kurukugan Fuga montre que par la volonté des dirigeants et l’adhésion des peuples, on peut aller à l’union, dût – on l’accoucher aux forceps de l’orage. A nos risques et périls. Aussi cette charte doit faire l’objet d’une vaste publicité, son contenu (la charte elle –même et sa théâtralisation) et être portée sans délai à la connaissance de nos peuples et de nos élites.

Mon avis est donc qu’il faut y aller résolument ce qui n’empêche pas la lucidité et de toute façon nous n’avons pas le choix : l’Afrique doit s’unir ou périr.

Hamidou Dia (Ph.D)

Philosophe et écrivain